Entre guerre commerciale, dépendance aux terres rares et crise ukrainienne, le sommet UE-Chine de 2025 révèle une alliance de raison en sursis.
Cinquante ans après leur premier accord diplomatique, l’Europe et la Chine célèbrent un partenariat miné par les tensions. Alors que Pékin soutient Moscou dans la guerre en Ukraine, Bruxelles tente de préserver ses intérêts économiques tout en réduisant sa dépendance stratégique. Quels sont les points clés de cet accord ambivalent ? Décryptage d’une relation à haut risque.
Un partenariat économique vital… mais déséquilibré
845 milliards d’euros d’échanges en 2024, faisant de la Chine le 3ᵉ partenaire commercial de l’UE.
- Déficit européen record : 305 milliards d’euros en 2024, exacerbé par les surcapacités industrielles chinoises et l’accès limité au marché chinois pour les entreprises européennes.
- Guerre commerciale larvée : Surtaxes européennes sur les voitures électriques chinoises (2024) et représailles de Pékin sur le cognac français (32,2 % de droits de douane).
La Chine, "rival systémique" et fournisseur incontournable
- Monopole sur les terres rares : 90 % du raffinage mondial contrôlé par Pékin, essentiel pour les technologies vertes européennes (batteries, énergies renouvelables).
- Dépendance critique : L’UE cherche à diversifier ses sources, mais les "canaux verts" chinois pour les licences d’exportation restent inefficaces (moins de 50 % des demandes acceptées).
- Stratégie de "dé-risquage" : Bruxelles veut réduire sa vulnérabilité sans découpler, une ligne difficile à tenir face aux pressions américaines.
L’épine ukrainienne : le soutien chinois à la Russie
-Pékin refuse une défaite russe : Le ministre Wang Yi a averti l’UE que cela conduirait les États-Unis à cibler la Chine.
-Sanctions contournées : Les banques chinoises aident Moscou à échapper aux sanctions, tandis que Pékin fournit des technologies pour drones russes.
Double discours : La Chine se présente comme médiateur ("négociations, un cessez-le-feu") mais bloque les résolutions anti-russes à l’ONU.
Climat : le seul terrain d’entente ?
Déclaration commune historique : Les deux puissances réaffirment leur engagement pour COP30 (Brésil) et promettent des NDCs ambitieux pour 2035.
Alliance "verte" pragmatique : Coopération sur l’hydrogène, le solaire et les batteries, malgré le paradoxe des importations européennes d’énergie polluante chinoise.
Leadership post-Trump : L’UE et la Chine profitent du retrait américain de l’Accord de Paris pour s’afficher en gardiens du multilatéralisme climatique.
Les concessions mutuelles : qui gagne quoi ?
Pour la Chine :
- Légitimation de son rôle géopolitique malgré le soutien à la Russie.
-
Accès privilégié au marché européen pour ses batteries et ses véhicules électriques.
Pour l’UE :
- Promesses (fragiles) de réciprocité commerciale et de transparence sur les subventions chinoises.
- Sécurisation partielle des approvisionnements en terres rares.
Conclusion : un anniversaire sous haute tension
Ce sommet de 50 ans ressemble à un mariage de raison où la méfiance l’emporte sur les discours diplomatiques. Entre la realpolitik économique et les valeurs européennes, Bruxelles marche sur une corde raide. La question reste ouverte : l’UE peut-elle vraiment coopérer avec un "rival systémique" qui arme son voisin envahisseur ?
Guy EKWALLA